• Light&Darkness - Chapitre 1

    Chapitre 1

     

    « Je te sauverai, je te le promets. »

     

    • Crescent •

     

    Forsaken

    Jeudi17h28

     

       Je ferme les yeux en sentant cette légère chaleur sur ma peau. C’est le seul endroit – à ma connaissance – où l’on peut voir ce mince rayon de soleil passer à travers les tôles qui nous servent de ciel. Le reste est éclairé par de vieux néons, qui commencent pour la plupart à nous lâcher, accrochés au plafond. Je reste assis encore quelques instants puis je me laisse tomber en arrière, m’allongeant sur mon banc. Il s’est enfin calmé... Comme il avait l’air de vraiment bien dormir, j’en ai profité pour sortir un peu et venir ici, dans « mon petit coin ». J’avais besoin de m’éloigner un peu de la maison, de prendre un peu l’air – enfin, c’est plutôt une expression pour ceux qui vivent là-haut – et d’être au calme. Heureusement pour moi, ça devrait être le cas étant donné que l’endroit où je me trouve n’est clairement pas recommandé : c’est un lieu assez reculé de la ville, peu de personnes passent dans les environs. Il faut traverser de nombreuses rues étroites, monter des dizaines d’escaliers tous en plus mauvais états les uns que les autres, passer près de quartiers pas vraiment fréquentables – et donc, risquer de croiser de véritables ordures – et enfin s’éloigner un peu du chemin, marcher dans la terre et trouver ce petit renfoncement. On peut facilement passer à côté sans le remarquer, il se trouve derrière un vieux bâtiment abandonné et est peu éclairé. J’ai pris l’habitude de venir ici, lorsque j’en ai marre de tout et que je veux être au calme… J’aime m’installer sur un banc, placé au fond de cette petite niche, entouré de deux gros poteaux métalliques maintenant notre ciel de fer. Je suppose qu’on a voulu créer un petit parc à une époque, mais ils ont visiblement renoncé à cette idée.  La plupart des projets ont été abandonnés ici, de toute manière… Je soupire. Je suis vraiment crevé, ça doit faire plusieurs jours que je n’ai pas pu dormir une nuit entière sans qu’il me réveille… ou bien c’est moi qui n’arrive pas à fermer l’œil à cause de l’inquiétude… Je ne pense qu’à ça, qu’à lui. Je dois trouver une solution, je ne peux pas le laisser dans cet état… Mais comment ? J’ai l’impression d’être bloqué, -complètement coincé à cause de ça… C’est en me torturant l’esprit que je finis par tomber dans les bras de Morphée.

     

       Je me réveille en sursaut en entendant quelqu’un crier. La voix m’est familière. Je tourne la tête légèrement vers ma gauche et j'aperçois la silhouette d’un homme à plusieurs mètres de moi : Jared. Il s’avance un peu et je le distingue un peu mieux. Je remarque son air paniqué et je me réveille instantanément. Je me lève brusquement et il court vers moi.

    « — Ça recommence ! » lance-t-il, essoufflé.

    Merde ! Je le bouscule et je cours pour le rejoindre au plus vite. Sur le trajet, je manque plusieurs fois de tomber à cause des dalles cassées, ou de foncer dans des personnes qui apparaissent dans mon champ de vision au dernier moment – et qui ne manque pas l'occasion de me faire comprendre leur mécontentement avec de gentils mots doux. Je continue de zigzaguer dans les petites rues et j’aperçois enfin la maison. Le retour m’a semblé interminable. J’ouvre la porte d'entrée grinçante à la volée et je monte les escaliers en sautant des marches. Je l’entends dire mon nom. Je pousse la porte de la chambre entrouverte et je me jette presque au sol, près de lui. Ses yeux sont fermés, le visage déformé par la douleur et les pleurs. Ses cheveux sont trempés de sueur et je peux voir une goutte couler lentement de son front. Il pousse de nouveau un gémissement. Je pose ma main sur son front : il est toujours aussi brûlant. Je m’empresse de prendre un tissu, trempant dans une bassine près de lui, je l’essore et humidifie son visage. Après quelques secondes, il semble enfin s’apaiser. Il tourne la tête doucement vers moi, ouvrant légèrement ses yeux bleus, remplis de larmes. Ma main toujours posée sur son front, je lui fais un sourire forcé pour tenter de le rassurer, mais il n'y répond pas... Il n'y répond plus.

     

       Eliezer est mon petit frère. Il me ressemble beaucoup physiquement. Les mêmes cheveux noirs, le visage fin, un teint pâle – qui est en fait plutôt courant ici, le soleil étant absent. La seule différence, c’est notre regard. Eli a de grands yeux lumineux, d’un bleu clair qu’il tient de notre mère, des yeux qui sont habituellement pleins de vie. Moi, j’ai hérité du regard de mon père. Plus fin, en amande et d’un bleu beaucoup plus sombre qu’on pourrait penser qu’ils sont noirs. Il n’a que 14 ans, mais malgré nos six ans d’écart, nous nous entendons à merveille. Depuis tout petit, j’ai toujours ressenti le besoin de le protéger. J’ai toujours veillé à ce que personne ne lui fasse de mal, qu’il ait tout ce dont il a besoin. Après la mort de nos parents, ce sentiment est devenu encore plus fort. Sûrement parce que nous nous sommes retrouvés seuls, il n’a plus que moi pour prendre soin de lui – enfin, Jared est là aussi, mais ce n’est pas pareil... Et puis son air chétif n’aide pas. Je retire doucement ma main de son visage, car il semble s’être assoupi de nouveau. Cela fait maintenant plus d’une semaine qu’il est tombé malade. La maladie s’est rapidement développée et elle ne fait qu’empirer de jour en jour. Ce n’est pas la première fois que ça lui arrive, ça passe toujours au bout de deux voire trois jours. Mais cette fois-ci, ce n’est pas seulement un petit rhume. Il est passé d’un simple mal de tête et d’une légère fatigue, à un besoin de dormir constant, une perte d’appétit total et une très grosse fièvre. Sa respiration est devenue aussi plus difficile. Entendre ses quintes de toux la nuit est une véritable torture.

     

       Je me laisse tomber dans le vieux canapé du salon, qui craque sous mon poids. Je fixe le mur en mauvais état face à moi. J'entends Jared descendre les escaliers, mais je ne tourne pas la tête vers lui. Je l’entends soupirer et s’approcher de moi.

    « — Crescent... »

    Je tourne ma tête vers lui. Il me fixe de ses yeux noisette. Jared a toujours été là, d'aussi loin que je me souvienne. On a grandi ensemble. 

    « — Tu es sûr de ne pas vouloir demander de l’aide à quelqu’un ? il s’approche et se laisse également tomber dans le canapé. On m’a parlé d’un docteur, apparemment, il habite de l’autre côté de la ville... Bon, ça fait une petite trotte, mais ça me dérange pas d’aller le chercher. »

    Je sais, on m’a parlé de lui aussi. Mais est-ce que c’est vraiment un docteur ?

       — Et s’il ne sait rien faire, ce gars ? je lâche en continuant de fixer mon mur. J’ai pas envie de laisser n’importe qui s’occuper d’Eli.

       — Moi non plus, Cres’, mais là on fait rien du tout et la situation empire. »

    Je passe ma main dans mes cheveux et je souffle un grand coup. C'est pas dans mes habitudes de faire confiance aux gens, c'est beaucoup trop dangereux ici. Mais... je n'ai pas vraiment le choix. Je dois prendre ce risque pour mon frère. Je me tourne vers mon ami. Il me fixe, ses cheveux bruns trop longs tombant devant ses yeux. Je me rends compte à quel point il a maigri ses derniers temps, son visage s'est aminci. Et les poches sous ses yeux montrent que je ne suis pas le seul qui n'arrive pas à fermer l’œil de la nuit. Il est tout aussi inquiet que moi et n'attends qu'une chose.

    « — Ok... Je reste ici, va le chercher. »

    Pas besoin de le dire deux fois, mon ami se lève immédiatement du canapé et se dirige rapidement vers la porte. Dos à celle-ci, je l'entends s'ouvrir.

     « — Hé Crescent, il dort, profites-en pour te reposer un peu aussi. T'es vraiment à cran.

    — Je vais essayer. »

    J'entends de nouveau un crissement puis un claquement. Il est parti. Je me dirige vers l'escalier, puis m'arrête. Je ne vais pas risquer de monter les escaliers et le réveiller. Je fais donc demi-tour pour rejoindre le sofa et m'y allonge, fixant le plafond. Je ferme les yeux même si je sais que je n'arriverai pas à m'endormir.

     

       Je fais les cent pas dans le taudis qui nous sert de salon en attendant que Jared revienne. Je m’arrête de temps en temps et souffle sur la poussière qui s’est déposé sur le peu de meubles que nous avons. Depuis que nos parents ne sont plus là, je dois avouer que j’ai négligé la maison. Elle commence sérieusement à partir en ruine et devient presque dangereuse. Alors que je devrais en prendre soin, ayant la chance d'avoir un logement relativement grand et correct par rapport à d'autres personnes... Nous avons une pièce principale assez spacieuse  – faisant office de salon et cuisine – et une petite salle d'eau rudimentaire. À l'étage, il y a deux chambres, mais nous n'en utilisons qu'une. Jared reste ici la plupart du temps et squatte sur le canapé, bien que je lui propose la seconde chambre à chaque fois. Notre maison n’a rien de spécial, mais nous y tenons Eli et moi. Elle appartenait à nos parents et c’est la nôtre désormais... Je m'avance vers une vieille console sur laquelle se trouve un miroir fissuré et poussiéreux. Je l'essuie et je vois mon visage fatigué apparaître au fur et à mesure. Je secoue la tête, je préfère faire demi-tour pour éviter de voir mes horribles cernes… Je jette un rapide coup d’œil à l’état du salon... Si seulement c'était simple de trouver des matériaux pour la rénover... J'essayerai de me renseigner, Jared connaît peut-être quelqu'un qui aurait ça... Enfin, pas avant qu'Eliezer aille mieux, je suis sûr qu'il serait ravi de faire ces travaux avec moi. Après des dizaines et des dizaines d’aller-retour dans le séjour, l'horrible crissement de la porte d’entrée me sort de mes pensées. Je vois mon meilleur ami passer la porte, suivi d'un homme assez âgé. Il s'arrête devant la porte et me salut de la tête. Je lui réponds et je ne peux m'empêcher de le regarder de haut en bas. L'homme est brun, les cheveux courts et grisonnants. Il est un peu plus petit que Jared et un peu grassouillet. Il porte une vieille chemise rayée bleu et blanche, un jean ayant connu de meilleurs jours et tient une petite sacoche. Après quelques secondes de silence, mon ami l'invite à avancer un peu et referme la porte derrière lui.

    « — Cres', je te présente Harry. » me dit Jared. 

    L'homme s'avance vers moi, en tendant sa main. J'attends un certain temps avant de me décider à la lui serrer. Je vais essayer d'être poli, si je dois confier la vie de mon frère à cet inconnu.

    « — Enchanté, dis-je.

       — De même, il me fait un sourire, appelez-moi Doc. Crescent, c'est ça ? »

       — Oui, c'est ça. »

    Un silence gênant s'installe, jusqu'à ce que Jared se décide à le rompre.

    « — Excusez-le, il n'a pas l'habitude de sociabiliser. » se moque le brun. 

    Je lui lance un regard sévère et lui me sourit.

    « — Il vous a parlé de la situation ? je demande au doc.

       — Rapidement. Où se trouve le petit ?

       — A l'étage, je lui montre l’escalier d'un signe de tête.

       — D'accord, je peux ... ?

       — Oui, bien sûr, vous êtes là pour ça. » lui rappelle mon cher compère.

    Il se dirige vers l'escalier et je lui emboîte le pas. Jared me stoppe immédiatement.

    « — T'inquiète pas, laisse-le faire son boulot. »

    Je pousse un long soupir.

     

       Ça doit bien faire une demi-heure maintenant... Je commence à m'impatienter et je sens que j'agace également Jared, qui est assis dans le canapé. Je m'arrête quelques secondes et je le regarde. Il fixe le sol, les bras croisés sur le torse et tapote du pied, le visage baissé et ses cheveux cachant ses yeux. Je repense à ce qu'il m'a dit plus tôt... Je dois bien avouer que je n'ai pas fait grand-chose jusqu'ici pour Eliezer. Je me sens tellement... dépassé par la situation. Je n'aurais jamais imaginé que ça nous arriverait. Il est fort d'habitude, il se remet toujours de tout. Je suis tellement impuissant face à cette maladie...

    « — Déstresse. » me lâche tout à coup Jared.

    Il a relevé la tête et me regarde.

    « — Il va pas le manger, tu sais. »

    Excuse-moi de m’inquiéter parce qu'un inconnu est seul avec mon petit frère en ce moment. Ça commence vraiment à faire long là, je devrais peut-être aller voir ? Je me dirige vers le canapé afin de m'asseoir lorsque la porte de la chambre s'ouvre, ce qui me stoppe dans mon mouvement. Je me retourne et je vois Harry sortir de la pièce et descendre les escaliers. Jared se relève brusquement.

    « — Alors ? » demande-t-il.

    Il nous fait signe de nous asseoir, s'éloigne un peu pour prendre une chaise qui se trouvait dans un coin de la pièce et revient vers nous.

    « — Je pense qu'il a attrapé une grosse grippe, il est très fiévreux... Il lui faut à tout prix des médicaments, sinon il ne s'en sortira pas... il marque une pause puis me regarde, mais il y a un problème...

       — Comment ça, un problème ? j'élève la voix sans m'en rendre compte à cause de linquiétude, mais le brun me fait signe de me calmer.

       — Vous n'avez pas ce qu'il faut pour lui, doc ? demande-t-il.

       — Mes stocks de médicaments sont vides depuis plusieurs mois... On ne nous rationne plus maintenant, ça devient de pire en pire... »

    Le vieux soupire. Je me prends la tête dans les mains. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire ?

     

       Je suis appuyé contre la porte de la chambre. Je me sens vide depuis l'annonce du docteur. Jared est devant la maison, encore en train de discuter avec lui. Je me décide à entrer dans la chambre et je m'assois près d'Eliezer. Il s'est endormi. Au moins il n'éprouve plus de douleur, pour l'instant. Je touche son visage brûlant. Mon petit frère est la seule famille qu'il me reste. Mes parents ont été tués lorsque nous étions plus jeunes, à cause d'un stupide conflit avec des gens pas très fréquentable. La vie à Forsaken est dure, il n'y a pas de loi ici. Enfin, il y en a, mais les personnes qui essayent de les faire respecter sont trop peu nombreuses et sont moins fortes que les criminels. C'est donc ces derniers qui ont pris le contrôle d'une grande partie de la ville. Les dirigeants de la ville « d'en-haut », Rebirth, avaient décidé de construire une prison à Forsaken, histoire de se débarrasser de leurs truands. Sauf qu'ils ne l'ont jamais achevé, mais ils n'ont pas arrêté de nous les envoyer pour autant... Étant plus forts et assez nombreux maintenant, ils en profitent pour torturer psychologiquement et même physiquement les plus faibles… C'est ce qui est arrivé à mes parents. On est seul pour se protéger, nous et nos proches. C'est la mère de Jared qui nous a recueillis, elle s'est occupée de nous, jusqu'à succomber à une foutue maladie... Je ne veux pas qu'il arrive la même chose à Eli. Je ne le supporterai pas et Jared non plus je pense... Je sursaute lorsque j'entends la porte s'ouvrir. Mon meilleur ami entre, me regarde et s'avance vers moi. Il pose sa main sur mon épaule.

    « — J'ai parlé avec le doc. Il connaît peut-être quelqu'un qui peut nous aider... » souffle-t-il.

    Je me retourne vers lui.

    « — Je sais que tu n'aimes pas demander de l'aide à des inconnus, mais...

       — Jared, dis-je d'un air sévère.

       — Attends ! s'exclame-t-il. C'est notre seule chance, Crescent.

       — Tu me demandes vraiment beaucoup d'effort aujourd'hui... je soupire.

       — Je sais, mais c'est pour Eli. On sait pas quoi faire pour l'aider et le seul qui semble avoir une solution, c'est Harry.

       — Vous pouvez... discuter ailleurs ? » souffle une voix faiblarde.

    Super, on a réveillé Eliezer. On se rapproche tous les deux de lui. Il nous regarde, les yeux humides. Je m'assois sur le bord du lit et Jared reste un peu en retrait. On reste comme ça quelques instants puis Eli se décide à parler.

    « — On a parlé… avec le docteur. C'est grave cette fois, hein ? »

    Sa voix est faible. J'ai comme l'impression de recevoir un coup de poignard.

    « — Ça va aller.

       — J'ai mal Cres', je veux que ça s'arrête. »

    Il ferme les yeux et respire difficilement.

    « — Fais quelque chose… J't'en supplie. »

    Sa voix se brise. Je le prends doucement dans mes bras, pour ne pas lui faire mal. Un silence s'installe dans la pièce. J'entends Jared partir discrètement de la chambre. Eli passe doucement sa main autour de ma taille et me sert avec le peu de force qui lui reste.

    « — Je te sauverai, je te le promets. » lui dis-je en lui caressant les cheveux.

     

    Forsaken

    Vendredi – 7h12

     

       La nuit fut courte. La veille, j'ai dit à Jared que nous allions voir le doc. D'après lui, il connaît quelqu'un qui pourrait nous aider à trouver des médicaments, il doit nous en dire plus aujourd'hui. J'ai attendu qu'Eliezer s'endorme avant de le rejoindre, assis sur les marches devant la maison.

    « — T'es prêt ? » me demande-t-il.

    J'hoche la tête. Je n'y vais pas de gaieté de cœur, mais je n'ai pas vraiment le choix. Comme mon ami l'a dit, c'est notre seule chance d'aider mon frère. Sinon... Je secoue la tête. Et puis, ayant rencontré rapidement Harry hier, il semble être une personne de confiance... Alors, allons-y. Je suis sans réfléchir le brun à travers les rues de Forsaken. Il m'a dit hier que le doc vit de l'autre côté de la ville. Nous passons par les rues de notre quartier, que nous connaissons par cœur. Jared salut quelques personnes. Pour mon plus grand malheur, mon meilleur ami est une personne extrêmement sociable. Il est du genre à aller vers les gens, les aider, s'interposer lorsqu'il y a des conflits – et moi, je dois donc m'interposer aussi parfois, pour le protéger... Il est gentil et naïf, et ce sont justement les deux traits de caractères à ne pas avoir lorsque l'on vit à Forsaken. J'aimerais qu'il se méfie un peu plus, car je ne serai pas toujours dans le coin pour le sortir d'une situation difficile... j'ai peur que ça ne finisse mal un jour et je ne pourrais rien faire. Après quelques minutes, nous arrivons à la place centrale de la ville. On peut y trouver divers commerces de tous genre, même si les marchants peine à avoir du stock. Il parait qu'à une époque, nous avions tout ce dont nous avions besoin... Mais depuis que Rebirth s'est développée, les dirigeants nous ont laissés tomber... J'ai vraiment l'impression que notre ville est leur décharge... C'est à cause d'eux si Forsaken est devenu ce qu'elle est aujourd'hui... Je soupire de nouveau.  J'attends mon ami quelques instants, car il discute avec un vieil homme, un commerçant. Je croise les bras et j'observe un peu les environs. Il y a du monde sur la place aujourd'hui, des enfants s'amusent près de ce qui était une fontaine à une époque. Plus d'eau n'en surgit depuis bien longtemps, je ne sais même pas si mes parents ont eu la chance de la voir fonctionner. Certains s'amusent à se cacher derrière les grandes colonnes métalliques qui soutiennent notre ciel de fer. Les quatre piliers les plus impressionnants sont ici, sur cette place, autour de la fontaine. Ils sont immenses, c'est à cet endroit que le plafond est le plus haut. Des ampoules ont été installées sur toute leur longueur, ainsi que des guirlandes lumineuses qui passent de piliers en piliers... Eli aime bien cet endroit pour ça. Jared m'interpelle et me sort de mes pensées. Nous reprenons la route. On traverse de nouveau de nombreuses rues, on monte plusieurs fois des escaliers. Je n'ai pas l'habitude de venir ici, on commence vraiment à s'éloigner de la maison. J'ai l'impression que les rues sont de plus en plus étroites. Et plus sales aussi... Il y a des sacs poubelles et des déchets directement jetés au sol un peu partout. Et une odeur… vraiment horrible.

    « — J'imaginais pas vraiment un docteur habiter ici... je finis par dire.

       — On va pas chez Harry, on le rejoins directement chez son ami. » me répond-t-il.

    Les maisons du coin sont de vrais taudis. Elles sont toutes principalement faites de tôles et rafistolés dans tous les sens. Certains n'ont même pas de porte d'entrée... Je plains les gens qui vivent ici... Leurs véritables foyers a dû être détruits avec le temps. Je sais qu'il y a des quartiers en mauvais états, mais je n'ai pas l'habitude d'y mettre les pieds. Je ne me sens pas vraiment à l'aise ici. Je nous trouve un peu trop chanceux, quand je vois notre maison à Eli et moi, c'est un vrai palace par rapport à celles d'ici. Mon ami s'arrête soudainement de marcher, ce qui me sort de ma contemplation. Je m'avance encore un peu pour être à ses côtés et je le regarde.

    « — Je crois que c'est ici.

       — Et comment tu le sais ?

       — Harry m'a dit que c'était la seule maison envahit de déchets électroniques. »

    Je regarde devant moi. Effectivement, il y en a des détritus, on peut pas les louper... Je sais pas, maintenant que je me trouve devant cette... maison ? Ou débris de tôles, je ne sais pas vraiment qualifier cette chose – je pense que c'est la pire du coin, elle ne doit vraiment pas être entretenue. J'ai comme un mauvais pressentiment maintenant. Je me tourne vers Jared, qui m'observe.

    « — On est arrivé, on va pas faire demi-tour maintenant quand même ?

       — Non, mais... »

    Il me regarde d'un air sévère.

    « — C'est bon, je sais, on a pas le choix. »

    Il hoche la tête et commence à avancer vers la porte – le débris a au moins le mérite d'avoir une porte d'entrée. Je lui emboîte le pas. Il frappe puis après quelques secondes, un visage familier nous ouvre : Harry. Il nous adresse un sourire et nous invite à entrer.

     

       Nous pénétrons dans une petite pièce sombre, dans laquelle nous pouvons à peine bouger : elle est totalement encombrée par des tas de vieux objets électroniques : des tours d'ordinateurs, des écrans, des composants, des souris, des claviers… empilés, partout, en morceaux ou entiers, cassés parfois. Et au milieu de la pièce trône une vieille table poussiéreuse sur laquelle sont posés plusieurs moniteurs et un tour qui produit un bruit du tonnerre. Une tête surgit soudain de derrière les écrans.

    « - Mouais, incapable. Il y arrivera pas, il est bon à rien. Ça se voit. »

    Puis elle disparaît de nouveau derrière son mur d'écran et nous entendons quelqu'un taper comme un fou sur ce qui est, je suppose, un clavier. Jared et moi nous retournons vers le doc, surpris. Il soupire et lève les yeux au ciel.

    « — Al, dit-il en s'installant sur un vieux fauteuil dans le coin de la pièce, prends au moins la peine de leur expliquer ton plan. »

       — Perte de temps, marmonne-t-il sans même nous regarder et en continuant de taper sur son clavier à toute vitesse.

       — Al. » dit le doc plus sévèrement.

    Un silence s'installe quelques secondes.

    « — Ok, si t'insistes. »

    Il se lève tout à coup, renverse la chaise sur laquelle il était assis, claque ses mains sur la table et nous fixe. L'homme est grand et sec. Il a des cheveux blancs qui partent dans tous les sens, assez longs, de grosses lunettes rondes qui ressemble plus à des loupes et une barbe mal rasée. Du peu que l'on peut voir de lui – car il est toujours caché derrière ses écrans – on peut voir qu'il porte une chemise blanche, les manches retroussées. Son visage est mince, creusé par les rides. Bref, il a une allure totalement négligée. On dirait vraiment le parfait savant-fou. Je suis un peu abasourdi par la situation, je ne m'attendais pas à ça.

    « — Que voulez-vous savoir, les enfants ? » nous demande-t-il avec un sourire.

    Jared et moi nous regardons d'un air perdu. Il débloque le vieux. Il semble désagréable puis devient poli tout à coup. Voyant que Jared ne sait pas quoi dire, je me décide à parler.

    « — Bah, le plan … ?

       — Ah oui ! s'exclame-t-il, le plan ! »

    Il prend une grande tasse de café qui était posé sur la table, en fait le tour et se plante devant nous. Il me montre du doigt en criant toi, ce qui fait sursauter Jared.

    « — Crescent, c'est ça ?

    Je hoche la tête.

    « — Je vais t'envoyer là-haut. »

    Il nous fixe avec un grand sourire, mais n'en dit pas plus. Le doc semble perdre patience dans son coin et finit par prendre la parole.

    « — Il peut pirater les ordinateurs qui bloquent l'accès à Rebith, une personne pourra donc monter et trouver les médicaments pour sauver le petit.

       — Euh, vous êtes sûr qu'il en ait capable ? demande Jared, inquiet.

       — Mais oui, j'en suis capable ! crie le hacker. Je pirate la base centrale, l'incapable monte l'échelle, il marmonne, qui peut piquer un peu, mais je devrais pouvoir arranger ça… puis il recommence à crier, il n'est pas détecté et voilà ! Paf, bonjour la jolie ville ! »

    Il agite ses mains dans toutes les directions en parlant. Je lance un regard inquiet à mon ami. Est-ce que j'ai déjà dit que je ne la sens pas cette affaire ?

     

    ← Avant de commencer...____________________________________Chapitre suivant → 

    Revenir au sommaire

     

    Yumi M. ©

     


    Tags Tags : , , , , ,
  • Commentaires

    3
    Mardi 28 Novembre 2017 à 17:27
    Mais de rien ^^
    2
    Lundi 27 Novembre 2017 à 22:22

    J'adore !!! J'attaque de suite le second chapitre !!!

      • Mardi 28 Novembre 2017 à 12:56

        Merci ! :)

        J'espère que tu aimeras aussi la suite. ^^

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :